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« Besace est au milieu d'une fumée couleur de vin,

Un belle et large cité, mais sale et sordide,

Où ne vient aborder ni parasite sot,

Ni gourmand attiré par les fesses des prostituées.

Elle est riche en thym, en ail, en figues et en pain,

nourriture qui ne suscite aucune guerre parmi les hommes,

Et l'on n'y prend point les armes, ni pour l'argent, ni pour la gloire. »


Cratès




« Mieux vaut un indigent qui se condui honnêtement

qu »un homme au langage tortueux qui n'est qu'un sot. »


Proverbes 19,1





























A


Logique de la législation.




Introduction




Tous les hommes aspirent à être libres. Seulement, parmi la multitude, bien peu sont prêts à faire les efforts réels pour leur libération. La raison en est que personne ne s'accorde sur ce qu'est la liberté, encore moins sur les moyens à mettre en œuvre pour s'affranchir de nos servitudes.

D'ailleurs, parmi ceux qui, à travers les âges, se sont évertués à définir le terme de liberté, c'est à dire les philosophes, beaucoup ne croient même pas à cette si fameuse et si recherchée liberté. Un certain nombre de penseur, de Démocrite à Marx, en passant par spinoz, voient dans la liberté un leurre, une illusion. Pour cette tradition de pensée, être libre, c'est comprendre ce qui nous détermine. D'où il suit que notre marge de manœuvre en face du cours du monde est très limitée.

Cette doctrine déterministe (puisque c'est là son nom) dit que l'homme n'est pas plus libre qu'une pierre, ce qui est une forme de pessimisme. Le déterminisme philosophique prend le contrepied de la doctrine rivale, qui proclame haut et fort la liberté de l'homme, quitte à prétendre être « maître et possesseur de la nature », ou, si on est plus modeste dans ses ambitions, à défaut de pouvoir changer l'univers, au moins sommes nous aptes à nous changer nous mêmes, ce qui n'est déjà pas si mal. Nous songeons ici à René Descartes qui, dans sa morale par provision dit que nous devons préférer « changer nos désirs plutôt que l'ordre du monde. »

Mais que sous entend cette liberté, illusion ou réalité, à propos de laquelle les penseurs de toutes les cultures se sont engagés en de terribles controverses ? La liberté métaphysique, puisque c'est de cela qu'il s'agit, renvoie à un principe extérieur à l'univers physique, principe dont chaque individu est le récipiendaire et qui nous donne une autonomie vis à vis du monde que nous percevons par les sens. Cette liberté est anhistorique, transcendante, elle renvoie à l'idée que l'homme, par un juste usage de son autonomie, peut acquérir des choses par ses propres forces, par sa propre volonté. C'est ce qui fait la grandeur de l'homme mais aussi sa bassesse tant cette liberté peut être mal utilisée, dégradée en licence, en mauvaiseté.

Toutefois, aujourd'hui, la liberté métaphysique a du plomb dans l'aile, n'est pas à la mode. Car tout de nos jours, est à remettre dans le contexte. Ainsi, dorénavant, l'homme est à remettre dans le contexte biologique. Sa liberté est un leurre, dissoute dans le rationalisme de la remise en perspective historique, sociologique, biologique, voire économique. La liberté disparaît, anéantie par les modèles scientifiques qui expliquent comment nous nous comportons.

Dans ces conditions, si la liberté est une chimère et que tout est écrit à l'avance par la biochimie, la sociologie, l'économie, est-ce que se libérer de nos déterminismes a-t-il encore un sens ?

La question, avec l'avènement de la science moderne, se déplace. La libération, ou l'émancipation, qui était autrefois une quête existentielle individuelle devient dorénavant une affaire collective. Car toutes les remises en perspective moderne ont le même présupposé : l'émacipation n'est plus une affaire singulière, celle par exemple du héros de roman picaresque qui se bat pour sa dignité, l'émancipation est une affaire sociale, législative. On se libère en faisant des lois, en érigeant de nouvelles normes collectives.

Pour les modernes, qu'on soit positiviste, naturaliste, libéral ou socialiste, c'est au niveau le plus général, le plus social, que se situe l'efficace humain. Parce que dans les philosophies et les théories contemporaines, l'homme individuel n'est pas véritablement pensé, ce qui est pensé ce sont les groupes, les sociétés ; par conséquent agir au niveau des lois est le plus efficace, allons mêlme jusqu'à dire le plus réel. La subjectivité humaine est secondaire, dérivée devant les algorithmes d'internet, les soi disant vérités économiques, les données de la sociologie…

Ce que nous disons n'est pas une lubie de philosophe, mais la forme même de la transformation sociale : nous obéissons aux données objectives (?) de la science et le changement est législatif, jamais individuel. Le naturalisme nous dit qu'il n'y a pas de différence entre un homme et une vache ? Votons des lois favorisant le végétarisme ! La science économique nous dit que les individus les moins adaptés sont amenés à disparaître ? Votons des lois qui suppriment les aides aux plus pauvres ! La sociologie nous dit qu'on se marie entre gens du même milieu social afin de concentrer le capital ? Battons nous pour que des lois imposent lourdement les familles riches !

Les législations sont dorénavant le lieu du changement. C'est même un champ de bataille où se battent désormais les différentes sensibilités de la société, des anarcho-capitalistes, qui très souvent se basent sur la biologie, aux néo-Marxistes, qui s'appuient surtout sur les données de la sociologie.

Ce lieu moderne du changement, le domaine scientifico-législatif, a un corrollaire : l'inflation législative, le nombre sans cesse grandissant, de manière presque exponentiel, de lois, de normes, de législations. Il se crée alors un paradoxe : les lois sont censées nous édifier, nous libérer, mais en se multipliant, elles ont l'effet inverse, elles nous asservissent, nous étouffent…

Notre texte s'efforce de démontrer que cette inflation législative, loin de nous émanciper, nous emprisonne, nous musèle. C'est pourquoi nous allons nous interroger, dans cette première partie, sur la nature et la portée de cette inflation législative, sur la tradition de pensée qui la sous tend afin de voir, si cela est possible, de limiter fortement les législations au profit de l'individu…



































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